Majeur ou mineur ? C'est que cela change tout

Été 2019 : un tournant se produit dans la Justice de Charente. Avant l’été, les jeunes sont systématiquement reconnus mineurs par les Juges des Enfants du moment qu’ils peuvent produire des papiers en règle. Les juges mettent tout simplement en application des accords bilatéraux datant en général des années 60, années de décolonisation. Ces accords disent en gros : le pays X reconnaît les documents officiels émis par la France et la France reconnaît les documents officiels du pays X.

Ainsi, jusqu’à l’été 2019, les juges contraignent l’ASE à mettre en place une  « assistance éducative » pour ces jeunes jusqu’à leur majorité.

Après l’été 2019 – nous ignorons pourquoi – les juges ne se satisfont plus toujours des documents légaux émis par les pays en question. Ils s’intéressent à l’aspect physique des jeunes, leur pilosité, leur maturité apparente.

À ce jour, il ne suffit donc plus au MIE de présenter – par exemple – un extrait de naissance. Il lui faut en plus « avoir l’air » jeune.

Les deux jugements ci-dessous, présentés à titre d’exemple sont révélateurs de cette tendance.

Depuis lors, nous suivons les jugements:

Jugement du 28/09/20 : 9 jeunes font appel du refus d’assistance éducative de l’ASE. 3 sont confirmés dans leur minorité (dont 2 qui avaient des TDC), mais le juge en déclare 6 comme majeurs (dont 4 ont des TDC)*

* Nous pointons les jeunes ayant des TDC car la rumeur court que les juges déclarent mineurs les jeunes avec TDC et majeurs les autres. Avec le jugement du 28/09/20, cette rumeur s’avère n’être… qu’une rumeur.

2021-2022 : On a pu entendre dire que la justice donnait en général raison à l’ASE et confirmait ses évaluations de majorité. Il n’en est rien !
Sur la période janvier 2021 – avril 2022, 14 jeunes ont été présentés aux 3 juges des enfants d’Angoulême et 8 ont été reconnus mineurs. Naturellement, nous regrettons que tel jeune ait été déclaré majeur faute d’avoir pu obtenir ses documents d’identité de son pays d’origine, ou faute d’avoir le physique que l’on attend ici chez un jeune de 17 ans. Nous regrettons que tel autre soit devenu majeur avant de pouvoir être audiencé, ou soit tout simplement parti tenter sa chance ailleurs.

Mais ce que dit la justice, c’est que – dans la majorité des cas (57%) – les jeunes que l’ASE a mis à la rue étaient bien des mineurs.